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    pour leur rapidité et leur serieux

     

    Le cinéma sonore allie images en mouvement et son. Il convient de distinguer cette expression de celle de cinéma parlant, qui n'est qu'une composante du cinéma sonore. En effet, la sonorisation n'est pas toujours passée par la parole, notamment à ses débuts. En outre, le cinéma sonore n'est pas strictement opposé au cinéma muet. En effet, dès les premiers temps du cinéma, même si les films étaient essentiellement muets, leur projection était souvent accompagnée de sons : bruitages réalisés en direct, bonimenteurs, systèmes expérimentaux de synchronisation sur disque, musiciens d'accompagnement (lors des rééditions plus récentes de ces films, les sons autrefois produits par une source séparée font partie intégrante du film en tant que bande sonore).

    Le cinéma comme art était donc souvent sonore. D'autre part, les débuts du cinéma sonore au sens strict consistèrent parfois à rajouter du son à des films autrefois muets, pour leur redonner vie. Des projections publiques de films sont présentées à Paris, en 1900 à l'occasion de l'exposition universelle.

     

    Cinéma Sonore, 1ère partie

    Affiche de 1908 faisant la publicité des films sonores Gaumont. L'air comprimé servait à amplifier le son enregistré du chronomégaphone conçu pour les grandes salles de projection.

     

    De 1908 à 1917, c'est l'ère des phonoscènes Gaumont projetées et diffusées grâce au Chronophone. En 1919, le 10 octobre, Blattner (née d'une famille Juive d'Allemagne, réfugié en Angleterre, puis aux États-Unis) fait la première démonstration publique d’un film sonorisé au moyen de l’appareil. La démonstration était concluante et l’appareil suscitait de l’intérêt car le son optique sur film était plus cher et le son du Blattnerphone était de meilleure qualité que celui du procédé photographique Tobis-Klankfilm confronté à ce moment à des problèmes de bruit de fond. Stille va alors déposer différents brevets couvrant des améliorations de l’appareil que Blattner appellera “Blattnerphone”. L’appareil souffrait de quelques problèmes qui contrecarrèrent son utilisation : le défilement non réellement synchrone, le ruban qui était constitué d’un alliage spécial fabriqué uniquement en Suède et la faible coercitivité qui empêchait la bonne conservation des enregistrements.

    Le 1er novembre 1925, les frères Warner font l'acquisition du Vitagraph et du Vitaphone mis au point par les laboratoires téléphoniques Bell. Les frères Warner font enregistrer quelques saynètes à Eddie Foy et des arias d'Opéra à Giovanni Martinelli. Le studio introduit une séquence musicale dans le Don Juan d'Alan Crosland. La projection du film, le 6 août 1926, est un succès public. En 1930, le son optique de Western Electric et RCA devient le seul standard et le son synchronisé sur disque ou ruban disparaît. Néanmoins le Blattnerphone continua son existence en dehors des salles obscures. En 1936 le son optique devient High Fidelity, Hi-Range, Push-Pull… En 1938, la Warner Bros ouvre l'ère de la stéréophonie avec le Vitasound.

    C'est le début de l'ère des « talkies », ces films incluant des passages de dialogue. Stanley Donen a représenté cet aspect du cinéma sonore dans son film Chantons sous la pluie, sorti en 1952. Cette représentation n'est pas l'histoire.

     

    Cinéma Sonore, 1ère partie

    Photographie du film Dickson Experimental Sound Film (1894), produit par William Dickson et reproduisant un test du kinétophone et du phonographe.

     

    Au début des années 1930, les films parlants américains bénéficient d'un succès qui aident le cinéma hollywoodien à garder sa position de première industrie cinématographique mondiale. Cependant, ce cinéma est reçu avec méfiance par certains réalisateurs comme René Clair ou Charlie Chaplin et des critiques (Béla Balázs) qui craignent alors que les dialogues ne deviennent le centre du film, délaissant l'aspect esthétique de l'image. En France, Jean Renoir (qui a d'abord réalisé des films muets) et Marcel Pagnol (qui qualifie le procédé de « Théâtre en conserve ») vont populariser les techniques de sonorisation concurrentes - liées à des industries qui le sont tout autant. D'un côté, ce sont les brevets de la General Electric-Western (États-Unis) de l'autre, ceux de la A.E.G.-Tobis-Klangfilm (Allemagne). En 1935, Sacha Guitry utilise la Voix off dans Le Roman d'un tricheur. En Allemagne, Fritz Lang « passe » au parlant avec M le maudit. En URSS, la transition vers le sonore sera relativement lente. Le premier film « parlant » d'Eisenstein, Alexandre Nevski ne date que de 1938.

    Avec Le Dictateur, Citizen Kane et Ivan le Terrible, une première transition est achevée techniquement. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, un film peut techniquement être à la fois musical et parlant en même temps grâce à l'émergence des techniques de mixage alors que jusqu'à présent, les séquences dialoguées et les séquences musicales se succédaient comme dans une comédie musicale. Pourtant, l'histoire technique du cinéma sonore ne s'achève pas avec Les Enfants du paradis et l'apparition d'une musique de fosse enregistrée pouvant venir appuyer l'émotion, comme à la fin de Casablanca. La multiplication des pistes sonores, le perfectionnement de l'enregistrement magnétique, l'arrivée du Dolby, de la stéréo, du multipiste réactualise sans cesse un esthétique (Michel Chion, le Cinéma, un Art Sonore).

     

    Affiche annonçant les artistes présentés aux projections de cinéma sonore du système Phono-Cinéma-Théâtre à l'exposition universelle de Paris (1900).

    Histoire

    Les débuts du son

    L'idée d'un film qui combine le son enregistré et l'image est aussi vieille que le concept de l'image en mouvement, c'est-à-dire du cinéma lui-même. Le 27 février 1888, quelque temps après la visite du pionnier de la photographie, Eadweard Muybridge, aux laboratoires de Thomas Edison, les deux hommes se rencontrèrent. Muybridge déclara ainsi que lors de cette occasion, ils avaient déjà évoqué l'idée de synchronisation du son avec l'image, soit six ans avant la première projection commerciale d'un film. Cependant, aucun accord entre les deux hommes ne fut signé. L'année suivante, Edison développait, aux côtés de William Kennedy Laurie Dickson, le kinétoscope, sans l'aide de Muybridge. Ce kinétoscope était essentiellement un dispositif de projection d'exposition, il ne permettait la vision d'un court métrage qu'à peu de personnes à la fois. Edison accompagnera son système d'un phonographe cylindrique quelque temps plus tard sous le nom de kinétophone en 1895, mais le succès ne fut pas long face à celui de la projection en salle. En 1899, un système de projection de films parlants, connu sous le nom de cinémacrophonographe, basé sur le travail de l'inventeur suisse François Dussaud, fut exposé à Paris ; de la même manière que le kinétophone, le système ne permettait qu'une projection individuelle. Plus tard, un système basé sur un cylindre, le Phono-Cinéma-Théâtre, fut développé par Clément Maurice et Henri Lioret, il a permis la présentation de courts métrages sur le théâtre ou l'opéra durant l'exposition universelle de 1900. C'est lors de cette exposition que la première présentation publique de films alliant images et son eut lieu.

    Trois problèmes persistaient néanmoins, à cause desquels le cinéma sonore n'avait pas encore eu l'impact prévu. Le premier problème rencontré était la synchronisation : l'image et le son étaient enregistrés et projetés par des dispositifs différents, il était donc difficile de les faire démarrer ensemble, et de maintenir la synchronisation. L'ingénieur du son Mark Ulano, dans The Movies Are Born a Child of the Phonograph (deuxième partie de son essai Moving Pictures That Talk), décrit une version du Phono-Cinéma-Théâtre où le son était synchronisé :

    « Ce système utilisait une forme primitive de synchronisation, manipulée par un opérateur et indépendante de la projection d'images. Les scènes à projeter étaient d'abord filmées, puis les intervenants enregistraient leurs dialogues ou musiques sur le Lioretograph (généralement, sur un phonographe Le Eclat utilisant des cylindres destinés à l'enregistrement de concerts) en essayant de maintenir la cadence avec les images. Lors de la projection, la synchronisation se faisait en calant la vitesse du film, déroulé grâce à une manivelle manuelle, sur celle du phonographe. Le projectionniste était équipé d'un téléphone grâce auquel il écoutait le son du phonographe, ce dernier étant placé dans la fosse d'orchestre. »

    affiche donjuan

    Le second problème était le volume de lecture : tandis que les projecteurs permettent la diffusion de films dans de grands espaces, les techniques liées au son ne permettaient pas encore une amplification suffisante des sons. Enfin, le dernier problème rencontré était la fidélité de l'enregistrement. Les systèmes de l'époque produisaient un son de basse qualité à moins que les comédiens ne soient placés directement devant le dispositif d'enregistrement.

    Très vite, des inventeurs s'attellent au problème fondamental de la synchronisation de la vitesse de rotation du phonographe et de la cadence de la projection. Un nombre de plus en plus important de films dépendent du gramophone avec lequel le son a été enregistré sur un disque ; d'ailleurs, la plupart des enregistrements étaient surnommés « disques berlinois », non par une relation géographique, mais à cause de la nationalité de son inventeur, Émile Berliner. Léon Gaumont présente un système impliquant une synchronisation mécanique entre la pellicule et le son à l'exposition universelle de Paris. Le 7 novembre 1902, après avoir déposé un brevet, Léon Gaumont présente son Chronophone, qui possède une connexion électrique, à la Société française de photographie. Quatre ans plus tard, il introduisit l'Elgéphone, un système d'amplification du son basé sur l'Auxetophone, développé par les inventeurs britanniques Horace Short et Charles Parsons. Malgré ces systèmes novateurs, les divers systèmes expérimentés par Gaumont à propos du son avaient seulement limité le succès commercial ; ils ne corrigeaient pas suffisamment bien la basse qualité du son et étaient chers. Pendant quelques années, le caméraphone, de l'inventeur américain Edward Lawry Norton, fut le principal concurrent du système de Gaumont (les sources diffèrent sur la base du Caméraphone, s'il était à disque ou à base de cylindre), mais finalement n'eut pas plus de succès, pour les mêmes raisons que le chronophone. À la fin des années 1910, le son au cinéma réussissait à subsister, malgré ses quelques défauts.

    D'autres innovations furent développées par la suite. En 1907, le français Eugene Lauste, qui avait travaillé aux laboratoires de Thomas Edison aux côtés de William Dickson entre 1886 et 1892, a déposé le premier brevet sur un dispositif alliant son et image, impliquant l'enregistrement direct du son sur la couche de celluloïd des pellicules. Voici ce qu'a déclaré l'historien Scott Eyman :

    « Il y avait un système double, c'est-à-dire que le son se trouvait sur une partie de la pellicule différente de l'image... En substance, le son était capté par un microphone et converti en ondes lumineuses à l'aide d'une soupape de lumière, un mince ruban de métal sensible placé sur une petite fente. Le son atteignant ce ruban était converti en lumière par le chevrotement du diaphragme, en concentrant les ondes lumineuses à travers la fente, ondes qui étaient photographiées sur le côté de la pellicule, sur une bande d'un dixième de pouce de largeur. »

    Même si le son sur pellicule allait finalement devenir le standard universel pour synchroniser le cinéma sonore, Lauste n'a jamais exploité avec succès ses innovations, qui n'aboutirent pas. En 1913, Edison introduisit un nouveau cylindre à base de synchro-son, appareil appelé, tout comme son système de 1895, le kinetophone, et au lieu de projeter les films à quelques spectateurs dans le cabinet individuel du kinétoscope, il les projeta sur un écran. Le phonographe était relié par un arrangement complexe de poulies au projecteur, entraînant des conditions théoriquement idéales pour la synchronisation. Les conditions n'en étaient pas moins rarement idéales et le kinétophone amélioré fut retiré un peu plus d'un an plus tard. En 1914, un inventeur finlandais, Eric Tigerstedt, a obtenu le brevet no 309 536 pour son film sonore, dont il fit la démonstration la même année devant un public de scientifiques à Berlin.

    D'autres films sonores, basés sur des systèmes variés, ont été réalisés avant les années 1920, la plupart en playback grâce à des enregistrements effectués auparavant. La technique était encore bien loin des objectifs de la grande ligue commerciale, et pendant de nombreuses années les dirigeants de majors du cinéma virent peu de bénéfices à produire des films sonores. Ainsi de tels films furent relégués, tout comme les films en couleur, au statut de fantaisie.

     

    Cinéma Sonore, 1ère partie

    Roy Smeck jouant de l'ukulélé devant le Vitaphone, His Pastimes (1926).

     

    Des innovations cruciales

    Certaines innovations technologiques ont contribué à la commercialisation du cinéma sonore, jusqu'à la fin des années 1920. Deux approches contradictoires se mêlèrent pour synchroniser le son à l'image : le playback et la reproduction.

    Le son sur la pellicule

    En 1919, l'inventeur américain Lee De Forest a obtenu plusieurs brevets qui le menèrent à la première technique du son sur pellicule, ainsi qu'à une reconnaissance commerciale. Dans le système de De Forest, la bande son était enregistrée par photographie sur le côté de la pellicule contenant les images du film, créant ainsi un composite ou donnant l'impression qu'ils étaient « mariés ». Si une bonne synchronisation du son et de l'image était réalisable, on aurait pu parfaitement compter sur l'emploi du playback. Cependant, ce n'était pas le cas, et ainsi, pendant les quatre années suivantes, De Forest améliora son système à l'aide d'un autre inventeur américain, Theodore Case, qui lui apporta équipement et brevets qu'il avait en sa possession.

    À l'Université de l'Illinois, un ingénieur et chercheur né en Pologne, Joseph Tykocinski-Tykociner, travaillait de son côté sur un procédé semblable à celui de De Forest. Le 9 juin 1922, il fit sa première démonstration, aux États-Unis, d'un film avec le son sur pellicule devant les membres de l'American Institute of Electrical Engineers. Cependant, comme Lauste et Tigerstedt, Tykociner ne verra jamais son système suffisamment performant pour être commercialisé, à la différence de De Forest qui, lui, sera reconnu.

    Le 15 avril 1923, au Théâtre Rivoli de New York, eut lieu la première projection commerciale d'un film parlant, où le son était disposé sur la pellicule, format qui allait bientôt devenir un standard : plusieurs courts métrages à l'effigie du phonofilm de De Forest furent projetés, accompagnant un long métrage muet. En juin, De Forest entama une bataille judiciaire contre l'un de ses salariés, Freeman Harrison Owens, pour le titre de l'un des brevets du phonofilm. Bien que De Forest ait gagné, Owens est aujourd'hui reconnu comme l'inventeur principal du dispositif. Les années suivantes, les studios de Lee De Forest sortirent le premier film dramatique commercial, tourné comme un film parlant : Love's Old Sweet Song, réalisé par J. Searle Dawley et avec Una Merkel. Cependant, la plupart des phonofilms étaient initialement des documentaires sur des films musicaux ou des comédies. Le président Calvin Coolidge, la chanteuse d'opéra Abbie Mitchell et quelques célébrités de Vaudeville comme Phillip Barker, Ben Bernie, Eddie Cantor ou Oscar Levant ont été filmés et apparurent sur ces documentaires. Néanmoins, Hollywood est demeuré suspicieux et a même eu peur des nouvelles technologies. L'éditeur de Photoplay, James Quirk, en parla ainsi en mars 1924 : « on a perfectionné les films parlants, dit le docteur Lee De Forest. tout comme l'huile de ricin ».

    Le procédé de De Forest fut utilisé jusqu'en 1927 aux États-Unis sur une douzaine de phonofilms. Au Royaume-Uni, en revanche, il fut utilisé quelques années de plus sur des courts et longs métrages par la compagnie British Sound Film Productions, filiale de British Talking Pictures, qui acheta les premiers actifs de Phonofilm. Mais vers la fin des années 1930, la société de Phonofilm tomba en liquidation. En Europe, d'autres travaillèrent également sur le développement du son sur la pellicule. En 1919, l'année où De Forest reçut ses premiers brevets, trois inventeurs allemands brevetèrent le système sonore Tri-Ergon. Le 17 septembre 1922, l'entreprise Tri-Ergon fit une projection publique de films à son sur pellicule incluant un texte dramatique, Der Brandstifter (L'Incendiaire), avant d'être convié au cinéma L'Alhambra, à Berlin. À la fin des années 1920, Tri-Ergon devint le leader européen du cinéma parlant. En 1923, deux ingénieurs danois, Axel Petersen et Arnold Poulsen, obtinrent le brevet d'un système où le son était enregistré sur une bande différente de la pellicule contenant l'image défilant parallèlement à celle-ci. Gaumont obtint une licence et permit une utilisation commerciale de sa technologie sous le nom de Cinéphone.

    Cependant, il y eut une compétition interne qui conduisit à l'éclipse du Phonofilms. En septembre 1925, le travail sur les arrangements de De Forest et de Case diminua beaucoup. En juillet 1926, Case rejoint la société Fox Film, le troisième plus grand studio d'Hollywood, pour fonder la Fox-Case Corporation, une nouvelle filiale. Le système développé par Case et son assistant, Earl Sponable, reçu le nom de « Movietone », et ainsi fut réalisé le premier film parlant viable sous le contrôle d'un studio hollywoodien. L'année suivante, Fox acheta les droits nord-américains au système Tri-Ergon, bien que la compagnie le trouvât inférieur au Movietone et quasiment impossible à intégrer aux avantages des deux différents systèmes. De même, en 1927, Fox retint les services de Freeman Harrison Owens, qui avait une expertise particulière dans la construction de caméras pour la synchronisation de films sonores.

     

    Cinéma Sonore, 1ère partie

    Western Electric : l'ingénieur E.B. Craft, à gauche, faisant une démonstration du Vitaphone.

     

    Le son sur disque aux États-Unis

    Parallèlement aux améliorations apportées à la technique du son sur pellicule (Son optique), un certain nombre d'entreprises ont fait des progrès en matière de films parlants où le son était enregistré sur des disques phonographiques. Dans la technique du son-sur-disque de cette époque, un phonographe platine est relié grâce à une mécanique d'interdiction à un projecteur spécialement modifié, permettant ainsi la synchronisation. En 1921, le système du son-sur-disque Photokinema développé par Orlando Kellum a été utilisé pour ajouter des séquences sonores synchronisées au film muet de D. W. Griffith, La Rue des rêves (Dream Street). Une chanson d'amour, interprétée par Ralph Graves, fut enregistrée, et devint une séquence d'effets vocaux en direct. Des scènes de dialogues furent également vraisemblablement enregistrées, mais les résultats ne furent pas satisfaisants et le film ne fut jamais projeté en les y intégrant. Le 1er mai 1921, La Rue des rêves fut réédité, avec une chanson d'amour ajoutée, au centre commercial de New York, le Town Hall Theater. Ce film fut, cependant, tout à fait par hasard, qualifié de premier long métrage, avec des séquences parlantes. Il n'y en eut aucune autre pendant les six années qui suivirent.

    En 1925, Warner Bros., qui n'était encore qu'un petit studio hollywoodien aux grandes ambitions, commença à expérimenter le système de son-sur-disque aux Vitagraph Studios de New York, studios que la société venait d'acheter. La technique de Warner Bros., appelée Vitaphone, fut présentée au public le 6 août 1926, lors de la première de Don Juan d'une durée de trois heures. C'est le premier long métrage à employer un système de son synchronisé quel qu'il soit. Sa bande son contient une musique de film et des effets sonores, mais aucun dialogue. La bande fut mise en scène et tournée comme un film muet. Par ailleurs, Don Juan fut accompagné de huit autres représentations musicales, pour la plupart classiques, toutes avec un enregistrement sonore sur disque, ainsi que l'introduction d'une durée de quatre minutes filmées par William Hays, le président de Motion Picture Association of America. Ce fut la première réelle démonstration de films parlants d'un studio hollywoodien. Don Juan ne fit pas l'objet d'une diffusion générale avant février de l'année suivante, ce qui rendit The Better 'Ole, lancé par Warner Bros. en octobre 1926, le premier film synchronisé en playback et diffusé à un large public.

    La technique du son-sur-pellicule gagna aux dépens de celle du son-sur-disque en raison de plusieurs avantages fondamentaux : la synchronisation – aucun système n'était réellement fiable : le son pouvait ne plus être synchronisé de par un simple saut dû au disque ou au changement de vitesse de la projection, ce qui demandait une constante vigilance de supervision, et des ajustements manuels fréquents – le montage – les disques ne pouvaient pas être montés directement, limitant sérieusement la capacité d'apporter des modifications dans les films après leur sortie – la distribution – une dépense supplémentaire s'ajouta avec les disques du phonographe, qui compliquaient également la distribution du film – et l'usure – les disques se dégradaient à force de lecture exigeant un remplacement du disque après environ une vingtaine de projections.

    Néanmoins, dans les premières années, le son-sur-disque a pris l'avantage sur le système du son-sur-pellicule pour deux raisons : la production et la qualité du son. Il était généralement moins cher d'enregistrer le son sur un disque que sur une pellicule et les systèmes d'exploitation (plaque tournante, enclenchement et projection) étaient moins chers à fabriquer que de complexes projecteurs, avec le modèle image-lecture requis pour le dispositif du son-sur-pellicule. De plus, les disques phonographiques, ceux du Vitaphone en particulier, avaient une dynamique sonore supérieure à la plupart des autres procédés du son-sur-pellicule de l'époque, au moins durant les premières projections, alors que le son-sur-pellicule avait tendance à avoir une meilleure réponse en fréquence, ce qui l'emportait par une plus grande distorsion et un plus grand bruit de mesure.

    Lorsque la technologie du son-sur-pellicule s'améliora, tous ces inconvénients furent surmontés.

     

    Cinéma Sonore, 1ère partie

    chronophone

     

    Troisième innovation cruciale

    La troisième vague d'innovations cruciales franchit une étape majeure dans le domaine de l'enregistrement sonore et dans l'effet du playback : l'enregistrement électronique, fidèle et amplifié.

    Au début de l'année 1922, le service de recherche de l'usine Western Electric de AT&T commença à travailler sur les techniques d'enregistrement que ce soit pour la technique du son-sur-disque ou celle du son-sur-pellicule. En 1925, la compagnie présenta publiquement un système audio électronique largement amélioré, comprenant un microphone à condensateur et des enregistreurs à bande en caoutchouc. En mai de cette année-là, la compagnie permit à l'entrepreneur Walter J. Rich d'exploiter le système pour la commercialisation de films. Il inventa le Vitagraphe, dont Warner Bros. acheta la moitié des parts à peine un mois plus tard. En avril 1926, Warner signa un contrat avec AT&T afin d'avoir l'utilisation exclusive de sa technique de cinéma parlant via l'intervention du Vitaphone, ce qui conduisit la production de Don Juan et ses courts accompagnements pendant les mois qui suivirent. Pendant la période où le Vitaphone possédait l'accès exclusif aux brevets, la qualité des enregistrements effectués par Warner Bros. était nettement supérieure à celle des enregistrements des concurrents qui utilisaient la technique du son-sur-pellicule. Pendant ce temps, les Laboratoires Bell, anciennement nommés AT&T, travaillaient à l'amplification d'un son élaboré, ce qui permit aux enregistrements d'être émis par des haut-parleurs, le son emplissant ainsi toute la salle de cinéma et pas seulement les deux ou trois premiers rangs. Le nouveau système de haut-parleurs mobiles fut installé au Warners Theatre de New York à la fin du mois de juillet accompagné par une demande de brevet, pour ce que Western Electric appela le receveur no555, accordé le 4 août, seulement deux jours avant la première de Don Juan.

    Vers la fin de l'année 1926, AT&T/Western Electric créa une section propre aux brevets, la Electrical Research Products Inc. (ERPI), afin de gérer les droits des films de la société liés à la technologie audio. Le Vitaphone avait encore l'exclusivité légale, mais il était devenu caduc dans le paiement des droits, le contrôle réel des droits revenait à l'ERPI. Le 31 décembre 1926, Warner Bros. donna à Fox-Case une sous-licence pour l'utilisation du système Western Electric en échange du partage des revenus qui seraient partis entièrement à l'ERPI autrement. Les brevets des trois parties concernées ont été croisés. Enregistrement supérieur et technologie d'amplification étaient dès lors viables aux deux studios d'Hollywood, poursuivant deux méthodes différentes de reproduction sonore. L'année suivante vit enfin l'émergence du cinéma sonore en tant que médium commercial significatif.

     

    Affiche d'un cinéma à Tacoma (Washington) du Chanteur de jazz, sur un Vitaphone, et un film d'actualité du Movietone.

    Le triomphe des films parlants

    En février 1927, un accord fut signé par cinq compagnies majeures du cinéma hollywoodien : la Paramount et MGM, puis Universal et First National Pictures et d'une petite, mais prestigieuse production des studios de Cecil B. DeMille, la PDC (Producers Distributing Corporation). Les cinq studios se mirent d'accord pour sélectionner un seul fournisseur pour la conversion audio. L'alliance attendit ainsi de voir quel genre de résultats les précurseurs pouvaient fournir. En mai, Warner Bros. revendit ses droits exclusifs à l'ERPI (accompagnés de la sous-licence Fox-Case) et signa un nouveau contrat similaire pour l'utilisation de Western Electric technology. Étant donné que Fox et Warner s'impliquaient de différentes manières dans le cinéma sonore, que ce soit techniquement ou commercialement – Fox avec les actualités et des drames marqués, Warner avec des films parlants – ERPI en fit de même, cette dernière qui visait à accaparer le marché en signant l'alliance des cinq studios.

    Les films parlants de l'année profitèrent des célébrités déjà reconnues. Ainsi, le 20 mai 1927, au Roxy Theater, à New York, le Movietone de Fox présenta un film parlant sur le vol de Charles Lindbergh au-dessus de Paris, tourné quelques jours auparavant. En juin, des actualités de Fox décrivant son même retour à New York et Washington DC, furent tournées. Ce furent les deux films parlants que le public ait jamais apprécié à l'époque. En mai, également, Fox sortit la première fiction hollywoodienne avec dialogues synchronisés : le court métrage They're coming to get me, avec le comédien Chic Sale. Après la deuxième sortie de quelques films muets ayant eu du succès, comme L'Heure suprême accompagnée d'une musique enregistrée, Fox sortit son premier film Movietone original le 23 septembre : L'Aurore, du réalisateur allemand Friedrich Wilhelm Murnau. Comme avec Don Juan, la bande originale du film est composée d'une marque musicale et d'effets sonores (incluant quelques scènes de foule, foule « sauvage », sans voix spécifiques). Puis, le 6 octobre 1927, Warner Bros. projeta la première du Chanteur de jazz. Ce fut un énorme succès du box-office pour le studio encore peu connu, un gain total de 2 625 000 $ aux États-Unis et à l'étranger, presque un million de dollars de plus que le précédent record détenu par les films produits par Warner. Produit avec le Vitaphone, la plupart des films ne contenaient pas d'enregistrement direct, comme Sunrise ou Don Juan, de composition ou d'effets.

    Quand une célébrité du cinéma, comme Al Jolson, chante, cependant, l'enregistrement du son est effectué lors du tournage, incluant à la fois ses propres chants et deux scènes de discours – alors improvisé, aucun dialogue n'avait été écrit auparavant – comme avec Jakie Rabinowitz (Jack Robin), le personnage joué par Jolson, s'adressant à un public de cabaret ; l'autre étant un échange entre lui et sa mère. Malgré le succès du film Le Chanteur de jazz largement dû à Jolson, déjà reconnu comme l'une des plus grandes stars américaines, et son utilisation limitée du son synchronisé qualifié dès lors comme un film parlant innovant, les bénéfices du film donnèrent la preuve à l'industrie cinématographique que l'investissement dans la technologie en valait la peine.

    Le développement commercial du cinéma sonore s'est effectué par à-coups, et a commencé bien avant Le Chanteur de jazz, d'ailleurs le succès de ce film n'a pas changé les choses du jour au lendemain. Le groupe des quatre studios (PDC ayant quitté l'alliance) ne signa pas avant mai 1928, comme United Artists entre autres, avec ERPI, pour la conversion des moyens de production et de salles de cinéma pour leurs films. Au début, tous les cinémas équipés d'ERPI étaient conçus pour être compatibles avec le Vitaphone ; la plupart ont été équipés pour projeter également des actualités filmées du Movietone. Cependant, même en étant compatibles des deux systèmes, la plupart des sociétés de production américaines sont restées peu enclines à mettre en scène des films parlants. Aucun studio, mis à part Warner Bros., n'avait sorti un film parlant jusqu'à ce que la société Film Booking Offices of America (FBO) au faible budget ne présente Perfect Crime le 17 juin 1928, huit mois après Le Chanteur de jazz. FBO était sous le contrôle d'une société concurrente de la Western Electric, la division RCA de General Electric, qui projetait de commercialiser son nouveau dispositif de son-sur-pellicule, le Photophone. À la différence du Movietone de Fox Case et du Phonofilm de De Forest, qui étaient des systèmes de densité variable (l'intensité lumineuse de la piste son variait), le Photophone était un système de superficie variable (c'est la forme d'onde qui changeait) – la perfection dans le domaine du signal audio qui était inscrit sur la pellicule qui deviendrait finalement le standard. En octobre, l'alliance FBO-RCA mènera à la création d'un nouveau grand studio Hollywoodien, RKO Pictures.

    Cinéma Sonore, 1ère partie

    phonographe édison synchronisé avec un projecteur

     

    Pendant ce temps, Warner Bros. sortit trois films parlants au printemps, tous furent rentables pour la société, même s'ils n'atteignirent pas Le Chanteur de jazz : en mars, The Tenderloin sortait, Warner Bros. le présenta comme le premier film dans lequel les protagonistes parlaient, même si cela ne dura que 15 minutes parmi les 88 minutes totales. Glorious Betsy suivit en avril, et The Lion and the Mouse (qui comprenait 31 minutes de dialogue) en mai. Le 6 juillet 1928, le premier film entièrement parlant, Lights of New York, fut projeté. Le film fut produit par Warner Bros. pour un coût de 23 000 $, mais réalisa un chiffre d'affaires de 1 252 000 $, un record pour les bénéfices de l'époque, dépassant 5 000 % du coût de production. En septembre, le studio sortit un nouveau film avec Al Jolson : The Singing Fool dont les bénéfices doublèrent ceux du Chanteur de jazz. Ce second film avec Jolson démontra la capacité des films musicaux à faire d'une musique un succès national : l'été suivant, Sonny Boy, toujours avec Jolson, fit vendre 2 000 000 de disques et 1 250 000 partitions. Septembre 1928 marque la sortie de Dinner Time, réalisé par Paul Terry, qui sera considéré comme le premier dessin animé dont le son était synchronisé. Après cette observation, Walt Disney décida de réaliser un court métrage parlant avec Mickey Mouse, Steamboat Willie.

    En 1928, avec Warner Bros. dont les profits furent considérables, de nouveaux studios adoptèrent le cinéma parlant. La Paramount Pictures, leader de l'industrie cinématographique américaine, sortit son premier film parlant fin septembre, Beggars of Life ; même s'il ne contenait que quelques courts dialogues, cela démontra la reconnaissance de ce nouveau moyen du cinéma.

    Interference, le premier film entièrement parlant de Paramount, débuta en novembre. Le procédé connu sous le nom de « goat glanding » s'est brièvement répandu : les bandes sonores, incluant quelquefois une approximation des dialogues ou des sons doublés, furent ajoutées aux films déjà tournés, certaines fois sortis comme muets. Un film doté de quelques minutes de chant pouvait suffire pour le qualifier de « musical » (La Rue des rêves de D. W. Griffith par exemple). Les attentes ont cependant changé rapidement, et la « mode » sonore de 1927 devint une procédure standard en 1929. En février 1929, soit 16 mois après les débuts du film Le Chanteur de jazz, Columbia Pictures devient le dernier des huit studios, connu comme étant un des « studios les plus importants » pendant l'âge d'or hollywoodien, à sortir son premier film en partie parlant, Lone Wolf's Daughter. La plupart des salles de cinéma américaines, surtout en bordure des zones urbaines, ne possédaient pas encore le matériel sonore et les studios n'étaient pas encore entièrement convaincus par le succès universel des films parlants à la moitié de 1930, la majorité des films étaient produits en version doublée, muet aussi bien que parlant. Bien que peu dans l'industrie du cinéma l'eurent prédit, le cinéma muet, moyen commercial intéressant pourtant, se transforma bientôt en un simple souvenir aux États-Unis. Le cinéma muet continua néanmoins, un studio majeur d'Hollywood, Universal Pictures, en août 1929, commercialisa un western avec Hoot Gibson, intitulé Points West. Un mois plus tôt, le premier film en couleur, entièrement parlant et produit par les studios Warner Bros., On with the Show!. Un an plus tard, sort en Argentine, réalisé par Quirino Cristiani, Peludópolis qui devient le premier long métrage d'animation sonore. Mais ce n'est que quelques années plus tard, en 1937, avec la sortie de Blanche-Neige et les Sept Nains que l'animation remportera un immense succès : les recettes s'élevèrent à 41 634 000 $ en 1993. Il aura fallu trois ans de travail pour Walt Disney.

     

    Cinéma Sonore, 1ère partie

    Blanche-Neige et les Sept Nains réalisé par Walt Disney est le premier long métrage animé sonore et en couleur.

     

     

    Cinéma Sonore, 1ère partie

    PHONOGRAPHE À DEUX PLATEAUX POUR PROJECTEUR DE FILM 35 MM SONORE deux plateaux 30 cm Ø ; insufflation des sons par air comprimé ; deux pavillons en métal nickelé 40,5 Ø ; mécanisme commandant alternativement les deux disques (quand le sillon a passé tout entier sous la pointe du vibrateur, un déclenchement automatique met le second en marche) ; deux lecteurs à air comprimé et à ailettes (les vibrations de la palette du lecteur modifient la distribution de l'air sous pression aux pavillons amplificateurs) ; manomètre ; moteur électrique

     

     

    Cinéma Sonore, 1ère partie

    Pistes Optique

     

    Ref : Wikipédia

     

     

    1927- Le Chanteur De Jazz



     

     

     

     

     

     

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